mercredi 19 mars 2014

L’éclat du voyage : Blaise Cendrars, Victor Segalen, Albert Londres (thèse)


Mathilde Poizat-Amar est actuellement "Associate lecturer" (l'équivalent du statut d'ATER) à l'Université du Kent. Elle va soutenir au printemps prochain une thèse partiellement consacrée à Segalen. Son travail est dirigé de manière conjointe par le Professeur Peter Read et le Dr. Thomas Baldwin (University of Kent) ainsi que par le Professeur Myriam Boucharenc (Université Paris X-Nanterre). Voici la présentation de sa thèse, qu'elle a bien voulu rédiger pour nous en informer.
La thèse explore les œuvres de Blaise Cendrars, de Victor Segalen et d’Albert Londres sous l’angle de « l’éclat du voyage » et se propose d’analyser les effets produits par la présence du voyage sur un plan diégétique, métadiégétique et stylistique. Chez ces trois auteurs, la notion de voyage dépasse en effet sa vocation thématique pour se faire véritable matière à travailler le langage, le texte et atteindre la sphère de la littérarité en exerçant sur le texte une menace d’éclatement. Le texte affecté par le voyage , loin d’être mis en péril, s’inscrit ainsi dans une modernité littéraire : en prenant le risque, par le détour du voyage, d’une écriture dé-formant, re-formant, re-définissant la littérature, les trois œuvres examinées illuminent quelques chemins de traverse dans lesquels s’engagent œuvres et critique contemporaines.
La thèse interroge les premiers écrits de Cendrars (1912 – 1948) en explorant par quelles voies la présence conjointe du motif du voyage et de l’éclatement conduit à la création d’une représentation fractale du monde. La mise en évidence de trajectoires chaotiques des personnages cendrarsiens au cœur d’un monde ontologiquement fracturé permet l’édification textuelle d’une « anarchitecture » poétique et moderne. L’examen du cycle polynésien de Segalen met en évidence la présence du voyage comme le résultat d’un écart désirant, véritable menace de déchirure entre l’ici et l’ailleurs, soi et l’autre, soi et soi. Cet écart aboutit, à travers une présence textuelle, à la formation d’une poétique littéraire de la diffraction, poussant ainsi l’œuvre aux limites d’un hors-littérature. Enfin, à travers l’étude des reportages d’Albert Londres, le voyage apparait comme un moyen de creuser un écart investi à un niveau diégétique, extradiégétique et métadiégétique, et montre comment l’écriture du voyage trouve un regain de force par le détour du reportage.